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Communs singuliers #1

Avant-propos

août
2020

Au moment où nous avons retenu le titre Communs singuliers en vue d’une nouvelle édition du festival, nous ne pouvions imaginer la tournure inédite qu’allait prendre l’année 2020. Si notre travail s’élabore dans la rencontre avec des artistes dont les pratiques sont en prise directe avec le réel, nous avons été les premiers surpris·e·s de découvrir que le sens de ce titre s’est élargi avec l’arrivée de la pandémie. Au regard de l’histoire, un tel événement s’inscrit dans un registre exceptionnel. Intervenue simultanément à l’échelle planétaire, cette crise sanitaire a mis brusquement le rythme du monde en suspension. La propagation de coronavirus révèle aux yeux de toutes et tous la complexité de nos interactions. Au-delà des corps, le virus contamine le tissu de nos relations. Nos gestes les plus familiers et notre quotidien sont brusquement devenus étranges. Alors que notre société favorise l’individualisme, la pandémie nous met face à nos responsabilités. Ce que l’on s’autorise ou non de faire peut avoir des répercussions sur la planète entière. Comment mieux traduire cela qu’avec les mots du philosophe Édouard Glissant1: «L’état du monde, c’est notre vraie communauté aujourd’hui»? Au vu du travail que le far° mène dans les arts vivants et de la place que nous occupons dans la société, comment répondre à la situation?

Si dans un premier temps plusieurs scénarios furent élaborés pour maintenir le festival dans sa forme habituelle, les incertitudes et les obstacles apparus au printemps quant à la tenue d’un tel événement, nous ont poussés à changer de cap et à adopter une dynamique résiliente. La crise que nous traversons n’est pas que sanitaire mais également sociale et environnementale. Les milieux artistiques et culturels, comme tant d’autres, vont se confronter à des difficultés sur le long terme. La pandémie a révélé de nombreuses facettes d’un système à repenser. C’est dans ce contexte que le far° opère une transition en fabrique des arts vivants. Nous proposons d’ouvrir de nouveaux imaginaires afin de réinventer les façons de travailler et de créer, aussi bien au sein de notre propre structure que dans la collaboration avec les artistes. En se concentrant sur l’essentiel de notre mission (la création, l’accompagnement artistique et la participation), nous souhaitons explorer d’autres manières de nous réunir et de faire exister l’art. Cette aventure résolument collective invite le public à prendre part au processus artistique pour interroger le format des œuvres et leur temporalité. Il s’agit, ensemble, de redéfinir le rôle des artistes et des institutions culturelles dans notre société. Avec des pratiques qui se risquent à sortir des modèles habituels, les artistes avec lesquel·le·s nous travaillons offrent des expériences sensibles qui permettent d'autres approches de la réalité. En se saisissant de problématiques sociales ou environnementales, ils/elles redonnent de la valeur à la coopération, à l'attention que l'on porte les un·e·s aux autres et à la nature. Comment cultiver une créativité qui puisse transformer le quotidien? Comment l'art peut-il être vecteur de changements?

La fabrique des arts vivants s’ouvre avec Communs singuliers#1, le premier volet d’une série qui se déploiera jusqu’à l’été 2021. Un temps fort pour faire proliférer de nouvelles manières d’être, de sentir, de penser et d’agir ensemble. Dix jours pendant lesquels sont présentées des pratiques artistiques «déspectacularisées» qui surprennent en s’invitant à domicile, en pleine nature et dans l’espace public. De la collecte de chansons d’amour et de récits, à la production et à la transmission de connaissances, les œuvres à découvrir cherchent à revitaliser nos imaginaires et sont à saisir comme autant d’occasions de s’interroger sur ce qui nous est commun.

Les prochains épisodes de Communs singuliers auront lieu dès cet automne. À partir du mois de novembre, les projets se déploieront dans des contextes géographiques différents, partant de Nyon et de son district jusqu’à La Chaux-de-Fonds et dans le Val d’Anniviers au printemps prochain. L’art s’inscrira dans le réel et dans l’espace social. L’intensité de chaque rendez-vous nourrira le suivant, créant ainsi une chaîne d’actions et de réactions spécifiques à ces Communs singuliers. Un groupe de réflexion, composé d’artistes, de spécialistes en philosophie de l’écologie, en économie, en anthropologie ou en sociologie, ainsi que des membres du public, fournira en continu de la matière pour penser, créer et transformer.

Pour vous accompagner dans cette fabrique des arts vivants, nous vous proposons de plonger dans la lecture d’entretiens et de textes spécialement écrits pour le programme que vous tenez entre vos mains. Bonne découverte!

Véronique Ferrero Delacoste 
et l’équipe du far°



1. Édouard Glissant, François Noudelmann, L’entretien du monde,
éditions Presses Universitaires de Vincennes, 2018 (extrait).